Humeur – La dématérialisation : évolution ou régression ?

Ah je vous vois venir avec vos gros sabots : « encore un article sur la dématérialisation, ça va on a compris ! » ou encore « Hiin ? Régression ? ». Mais tout ça va être expliqué ci-après. Je vais donc donner mon avis sur l’état actuel du marché du jeu vidéo, en tenant compte de l’avancée croissante de la distribution digitale.

Pour opposer ces deux notions, évolution et régression, rien de plus simple pour pas se perdre dans des phrases à rallonge que seul l’auteur peut comprendre, je vais me mettre d’une part dans la peau d’un éditeur / développeur et d’autre part dans celle d’un joueur, occasionnel ou passionné.

Une évolution du principe de distribution

D’abord pour les éditeurs et développeurs, ce principe présente beaucoup d’avantages. En fait, il ne présente que des avantages. L’éditeur, qui distribue le jeu créée par le développeur, va donc vendre le produit via le téléchargement comme on commence à le connaitre de plus en plus aujourd’hui via les petits jeux sur PS3 et Xbox360. L’éditeur peut donc se soustraire ni plus ni moins aux délais imposés par la logistique en matière de pressage, impression, packaging et j’en passe. Il réalise alors des économies substantielles, qui ne correspondent pas au coût de fabrication qu’il évite, mais au coût de fabrication moins celle de la location et entretien des serveurs de téléchargement. Au final, il s’y retrouve quand même.

Deuxième chose, il est sûr et certain que chaque pièce vendue l’est à un joueur unique ; et oui, on ne peut pas se prêter le jeu comme beaucoup d’entre nous le font, à moins de prêter carrément sa console. Il évite ainsi par la même occasion, le potentiel manque à gagner du marché de l’occasion. Je dis bien « potentiel » car c’est comme pour le piratage : un exemplaire qui échappe au cycle de vente, par l’occasion ou par le piratage, n’aurait pas été forcément un exemplaire vendu si ce même marché de l’occasion n’existait pas ou si le piratage n’était pas possible, et ça, je me demande si parfois les éditeurs y pense. Il doit y avoir un pourcentage qui dépasse à peine la moitié si j’devais faire des prédictions.

En bref, l’éditeur contrôle ainsi ce qu’il vend en terme de délai et de nombre d’exemplaire effectivement joués, tout en réalisant des économies qui, pour ce qui est des jeux PSN par exemple qui sont au même prix en physique qu’en digital, se traduisent par une augmentation de la marge (mais de qui ?).

En revanche, les éditeurs risquent de se confronter à un segment de joueurs accrochés au support physique, mais aussi très certainement à un manque de visibilité : plus de rayon jeux dans les magasins spécialisés ? Que des consoles ? Comment feront-ils de la pub ? Et les usines de pressages packaging et compagnie, que vont-elles devenir ? Se reconvertir ? Fermer ? Sont-elles déjà prêtes ?

Pour le consommateur, le seul véritable avantage c’est qu’il pourra rester chez lui et télécharger son jeu depuis son canapé, à minuit une le jour de sa sortie, sans aller se cailler les fesses à des soirées de lancements foireuses de la Fnac des Champs Élysées (troll). Mais il existe une bonne partie des joueurs qui aime avoir un boitier, un support physique, un livret, une édition collector etc… D’autant plus que le concept du physique est important pour les cadeaux, aux anniversaires ou à noël : Les parents vont offrir le carte bancaire ou carte prépayées aux enfants ? Ça le fait moins …

Une régression du monde du jeu vidéo que nous connaissons actuellement

Aujourd’hui, les développeurs prennent un malin plaisir à sortir des jeux à moitié terminés (sous la pression des éditeurs ?) qu’ils règlent à coup de patch. Il n’y a qu’à voir Gran Turismo 5 qui est sorti cette semaine et qui s’est vu patché le jour de sa sortie ! Et je ne parle même pas des jeux dont la véritable fin n’est disponible qu’en DLC (Un certain prince de Perse …) ! Il y a aussi pléthore de DLC (contenu additionnel téléchargeable) pour la plupart payants, qui viennent tenter de tuer le marché de l’occasion (car oui, un joueur qui revends son jeu, les DLC, il les garde, tant pis pour lui c’est de la perte sèche). Ces DLC sont aussi un moyen, à mon avis, de préparer l’arrivée de petits jeux téléchargeables uniquement (par exemple, Lara Croft And The Guardian Of Light) qui eux même préparent à la dématérialisation complète (God Of War Collection par exemple).

Pour les éditeurs il ne s’agit en rien d’une régression, mais d’une réelle évolution. Pour les joueurs, c’est tout l’inverse pour beaucoup d’entre eux, que j’ai l’occasion de côtoyer. Vendre des jeux à moitié fini, sans aucun lien physique : pas de jolies boites, pas de beaux manuels, pas de belles éditions collector … où est l’esprit du début ?

Un compromis

Les éditeurs semblent sûrement penser que les chiffres parlent en leur faveur : les DLC de Modern Warfare 2 à 15€ pièce se sont bien vendus et ils pourraient s’en targuer et baser leur argumentation sur ça ; mais est-ce vraiment crédible quand on ne donne pas le choix ? Quelle aurait été l’issue si le même DLC aurait été présenté à la fois en support physique et en support numérique ? Je ne pense pas que ce genre d’argument soit donc recevable.

Je proposerai bien un moyen de satisfaire un maximum de gens : éditeurs et joueurs, mais aussi imprimeries et fabricants de packaging : la distribution hybride : proposer au joueur des versions boites, des éditions collectors et de beaux emballages mais remplacez le CD par un code de téléchargement. Mais cette méthode tuerai à la fois l’occasion et les presseurs de Blu-Ray / DVD. Même si cette façon de voir satisferait les ambitions des éditeurs, tout en respectant le plus possible les joueurs mais en tuant l’occasion et en proposant au final que des « location » de jeu ; en effet, que se passera-t-il dans 20 ans quand les serveurs seront probablement down ? Le marché du rétrogaming s’en verra donc lui aussi pénalisé. Il faudrait donc proposer l’envoi SANS FRAIS du support physique à l’acheteur, par l’éditeur, mais les consoles ne risquent-elles pas un jour de ne plus avoir de lecteurs ?

Félicitation à celles et ceux qui ont réussi à lire ce pavé (j’ai pas eu le courage de me relire :p ) ! Je vais donc conclure en disant qu’actuellement, la soif de profit des éditeurs pousse le marché du jeu vidéo de plus en plus près du gouffre. Nos enfants finiront par nous dire « des DVD ? Des Blu-Ray ? Ahah t’es has-been Papa / Maman ! », même si je sais pertinemment, et j’en suis convaincu, que cette méthode de distribution totalement dématérialisée finira par s’imposer et qu’elle laissera derrière elle, après cette mutation, les vestiges d’un loisir qui n’aura définitivement plus la même aura.