Mercredi 31 octobre, pendant la Paris Games Week, quelques personne et moi-même avons eu la chance d’interviewer Tore Blystad, le directeur de Hitman Absolution. Voici donc une retranscription de cet entretien privilégié. Je m’excuse par avance du début de l’interview qui est tronqué (je n’ai pas enregitré les deux premières minutes) ainsi que pour les approximations par rapport aux propos originels que j’ai tenté de traduire tant bien que mal :).
<début tronqué>
Quand nous avons commencé Hitman absolution, nous avons dit que nous voulions un tas de changements. Nous voulions vraiment travailler avec les technologies actuelles en repartant de rien. Personne ne savait vraiment les conséquences d’une telle prise de décision, de créer de la technologie à partir d’une base vide, alors nous avons fait ça pendant un certain temps, pour créer une plateforme sur laquelle nous pourrions développer le jeu. Nous avons travaillé sur le concept, bien sûr, une sorte de fil conducteur basique comme des endroits, des personnages…
Player One : Quels sont les plus grosses nouveautés de gameplay dans absolution par rapport aux précédents épisodes ?
Tore Blystad: Comme je l’ai dit, tout a été remis sur la table afin de repartir de zéro et de tout réassemble. La plupart des mécaniques de jeu que les gens connaissent sont toujours présentes, mais nous avons travaillé sur l’IA afin de la rendre plus dans l’esprit du « combat ». Vous avez toujours la possibilité de jouer le plus discrètement possible, si vous le voulez, mais vous pouvez avoir une approche secondaire qui le rend moins punitif. En fait, si vous avez un plan pour réussir la mission et que en cours de celle-ci, quelque chose tourne mal, vous pouvez toujours vous en sortir avec un second plan, le fameux plan B (rire), je me cache dans un placard et on continue.
Player One : Nous pouvons toujours la jouer discrètement ? Faire de l’infiltration ?
Tore Blystad : Oh absolument! Vous savez, nous savons que beaucoup de personne aiment jouer comme un professionnel, parce que c’est ce pourquoi le jeu est fait : vous êtes dans beau costume et vous ne voulez pas le salir, vous voulez rester élégant. Mais ce n’est pas si facile, si vous n’êtes pas l’assassin parfait, vous allez devoir utiliser des techniques un peu plus « sales » : tuer les gardes, prendre leurs vêtement et tout ça.
En gros, tout ce qui était possible jusqu’à présent, l’est toujours, c’est juste que tout est un peu plus logique, tout est plus fluide. L’IA va réagir de manière plus réaliste, mais concernant les gardes, c’est toujours pareil : si le garde a le temps d’alerter ses collègues, vous allez avoir des problèmes, mais si vous vous occupez de lui rapidement, tout ira bien et vous pourrez continuer.
Les Gameuses : N’avez-vous pas peur que les gens comparent ce nouveau Hitman avec le nouveau Splinter Cell ? Parce que les deux étaient basés sur l’infiltration mais ils sont désormais plus « action ».
Tore Blystad : Et bien, Splinter Cell et Hitman ont toujours été comparés, tout comme Metal Gear Solid ou Deus Ex. Ces franchises existent depuis 10 ou 15 ans. Ils jouent tous, quelque part, sur le même terrain mais ont été développé de manières différentes. Mais les joueurs ont évolué depuis, ils deviennent plus vieux, sont moins attentifs et veulent des cycles de jeu plus rapides. Auparavant, il fallait, peut-être, une demi-heure pour progresser d’un poil dans le jeu, mais aujourd’hui c’est extrêmement difficile de vendre ça aux gens, même s’ils disent que ce sont des joueurs « old schools » : si vous leur mettez ça entre les mains, ils vont vraiment ce dire que c’est trop difficile et punitif et n’y rejoueront plus.
Les gens se disent – les fans des jeux « old schools », ne se rendent pas compte … Comment dire, l’exemple de Deus Ex est parlant : il possède de très fortes racines et les développeurs ont essayé de rester proche de ça, mais quand il est sorti, il a gardé cet aspect punitif. Et les gamers ont tout de suite dit qu’il était vraiment difficile, alors qu’il était en fait plus simple que les précédents. C’est quelque chose que nous verrons dans quelques semaines avec Hitman, les gens verront d’eux-mêmes. Je pense que nous avons réussi le mélange unique entre des caractéristiques de gameplay qui fait que Hitman Absolution ne pourra pas être comparé aux autres jeux.
Parce que, si vous avez pu voir la démonstration plus tôt ce matin, le jeu parait scripté et linéaire mais il y a en réalité un plus grand panel de possibilités de jeu pour une même partie. Vous vous en rendrez compte dans le mode Contracts (le nouveau mode multijoueur), que les cartes deviennent des cartes d’Hitman classiques.
Player One : Peut-on choisir le chemin que nous voulons prendre ? Peut-on prendre différents chemin pour terminer la mission ?
Tore Blystad : Bien sûr, c’est ce pour quoi le jeu est fait. Ce sont les racines d’Hitman. C’était quelque chose dont nous étions conscients lorsque nous avions designé le jeu. C’est pour cela que, à chaque fois que nous présentons le jeu, le même niveau peut paraître différent. Nous avons amélioré constamment les cartes : un mur ici, plus d’espace ici etc. Nous n’avons pas fait ça pour qu’il n’y ai qu’une seule manière de jouer. Par exemple, « Run for your life », le niveau que nous avons présenté aujourd’hui, était différent avant.
Neitsabes : J’ai une question à propos d’une des caractéristiques du gameplay : le mode Instinct : on peut voir à travers les murs, la trajectoire des ennemis, on sait où ils sont etc. N’avez-vous pas peur que cela paraisse trop simple pour certaines personnes ? Même si nous savons aujourd’hui que l’on peut désactiver cette option.
Tore Blystad : Avez-vous joué aux précédents Hitman ? Neitsabes : Oui. Tore Blystad : Avez-vous déjà utilisé la carte ? Neitsabes : heu… honnêtement, ça date, je ne m’en souviens plus vraiment. Tore Blystad : Parce que la carte était en fait un « god mode » où nous pouvions voir chaque ennemi se balader dans le niveau entier et la plupart des joueurs utilisaient cette carte pour repérer les trajectoires et les emplacements. Le mode Instinct est en quelque sorte la même chose mais ajouté directement dans le jeu. On y a accès instinctivement. Mais nous avons retiré quelques informations : vous ne savez plus où sont les ennemis à la fin du niveau, ni ce qu’ils font. Nous voulions quelque chose de plus … Immédiat : faire en sorte que ce qui est autour de vous actuellement est le plus important.
Le mode instinct était quelque chose qui fallait implémenter car l’IA est devenu trop compliqué et trop imprévisible.
Neitsabes : Les ennemis ont toujours des trajectoires différentes ?
Tore Blystad : Ils ont chacun un comportement particulier mais il y a cet effet papillon : La manière dont vous allez vous déplacer dans le niveau va influencer leur comportement, parce qu’ils vont réagir en fonction de vos agissements. Donc, le mode instinct va vous permettre de prévoir l’imprévisible : « ok ce garde va venir, est-ce que je dois le tuer ou me cacher dans le placard… Sachant qu’il va fouiller partout où je peux être… Dois-je fuir ou trouver un moyen de le tuer ? ».
Neitsabes : C’est LE point de l’IA sur lequel vous avez insisté lors du développement ?
Tore Blystad : Le mode instinct, nous sentions que c’était important. Dans les précédents jeux, si vous faisiez une erreur, c’était très punitif : vous aviez passé un temps fou à aller là où vous le vouliez et à récupérer le déguisement important et là, un garde surgit de nulle part et vous tue. C’est la pire chose qui pouvait arriver (rires). Ces moments de paniques, très stressants, nous voulions les rendre moins blessants : vous ne risquez pas « tout » à tout moment ; vous avez un moyen de prévoir un minimum ce qui pourrait se passer.
Neitsabes : En gros, vous avez sauvé la vie de nombreuses manettes !
Tore Blystad : Oui ! (rires). J’ai déjà mordu ma manette à cause d’un moment très stressant !
Les gameuses : Mais il y a des checkpoints désormais ?
Tore Blystad : Oui, nous avons mis des checkpoints à des endroits stratégiques, juste avant un challenge par exemple, si vous avez peur de mourir. Mais on sait que certains joueurs ne les utiliseront pas, pour se dire qu’ils risquent beaucoup.
Player One : Est-ce que cela a été difficile d’avoir un si beau rendu sur les consoles actuelles ?
Tore Blystad : Oh oui, c’est également quelque chose qui nous a pris beaucoup de temps, parce que nous devions obtenir un rendu correspondant à la direction artistique et nous avons beaucoup travaillé sur les endroits lumineux et les endroits sombres, sur la profondeur de champs, le réalisme… Du coup, les outils ont été spécialement créés pour obtenir ce rendu. C’est aussi peut-être pourquoi vous ne verrez probablement pas le même rendu dans un autre jeu.
FFB777 : Je voudrais savoir, pourquoi le jeu s’appelle « Absolution » ?
Tore Blystad : L’histoire du jeu est une histoire personnelle à propos d’un contrat que l’agent 47 a obtenu … La démonstration sur scène actuellement est le premier niveau où vous devez tuer votre propre ami, Diana Burnwood qui est un personnage qui était déjà dans la franchise, depuis le premier épisode je crois. C’était le seul moyen de faire ressentir cette proximité, ce côté émotionnel. C’était une décision difficile à prendre, et le coté absolution, c’est de réaliser le souhait de Diana, mais vous devrez terminer le jeu pour savoir ce qu’il en était.
Player One : Y aura-t-il des Hitman sur PS Vita ou Nintendo 3DS ?
Tore Blystad : J’aimerais ! Ce serait génial d’avoir tout ça à portée de main, sur une portable ! Mais ce … Hmm peut-être que je ne devrais pas trop m’avancer (rire). Je termine ce jeu et ensuite on verra.
FFB777 : Et qu’en est-il pour la Wii U ?
Tore Blystad : Ce serait également génial ! Avec le gamepad, je ne sais pas si vous avez essayé ? Moi je n’ai pas encore testé, je ne sais pas comment ça fonctionne mais ça doit être quelque chose de très intéressant je suppose pour le mode Instinct ! Mais … ce n’est pas en projet actuellement.
Neitsabes : Encore une question à propos du gameplay, est-ce que l’agent 47 a de nouveaux mouvements ? Parce que je me souviens qu’il était vraiment rigide dans les précédents épisodes. A-t-il l’air plus souple ? Plus décontracté ? (rires).
Tore Blystad : Oui nous l’appelions « Le tank » dans les précédents épisodes (rires) ! Parce qu’il marchait comme un tank et quand il se faisait tirer dessus, les balles ne faisaient que le toucher, sans aucun autre mouvement de sa part. On a vraiment travaillé sur son animation pour qu’il soit plus souple. On ne peut pas faire en sorte qu’il soit trop cool parce que ce n’est pas vraiment le personnage. Les animations sont mieux mais il n’y a pas eu de gros focus sur de nouveaux mouvements, juste sur les basiques. Nous devons faire que sa personnalité se ressente en voyant sa démarche, ses mouvements etc.
Ce n’est ni un soldat, ni un assassin, il est entre les deux. Il est plus élégant, donc c’était ce sur quoi l’équipe d’animation a travaillé. Elle était appelée « l’équipe panthère » parce qu’ils étaient censé le faire ressembler à une panthère, alors on avait cette image stupide d’une panthère (rires).
Neitsabes : Quel a été le principal point sur lequel vous avez travaillé lors du développement du jeu ?
Tore Blystad : C’est jeu, à plusieurs facettes, un grand jeu. On ne peut donc pas travailler uniquement sur un point en particulier mais sur plusieurs. D’un côté nous avons travaillé sur l’histoire du jeu, l’histoire personnelle de l’agent 47, pour que ça ne ressemble plus à quelque chose de haché « voici une mission, puis une autre etc. » comme si les niveaux avaient été réalisés sans aucune connexion entre eux et qu’ils avaient été mélangés à la fin, histoire de mettre les plus simple d’abord et les plus difficile à la fin. Nous avons mis l’accent sur la logique entre les missions. Quand vous arrivez à un endroit, vous savez pourquoi.
Technologiquement, nous aurions bien aimé faire tout ce qui était actuellement possible, et nous voulions que le jeu soit très fort dans sa direction artistique et dans la musique. Nous avons justement réalisé un nouveau système de musique qui est dynamique. En fonction de l’action, la musique changera. En fait, par rapport à tout ce que vous ferez dans le jeu, l’IA réagira et la musique « écoute » cette IA et change en fonction de ce qu’elle entend. Une musique très dynamique pour les scènes d’action, très suspens pour les scènes de chasse à l’homme, pareillement pour l’infiltration ou lorsque vous entrerez dans un endroit un peu confiné. Tout ce que vous ferez, fera changer la musique. C’est pour créer une expérience cinématographique plus intense. Cela a toujours été quelque chose d’important pour nous de créer un jeu très cinématographique, mais c’est un grand challenge quand on doit conjuguer un monde ouvert et un aspect cinématographique.
Les gameuses : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le « Purest Mode »
Tore Blystad : C’est le mode favori de l’équipe. Nous savons qu’il y a un grand nombre de fans qui sont hardcore. Hitman 2 était plus simple que le premier qui apportait un vrai challenge. Nous avons donc tenté de faire un mode de jeu plus difficile encore que Hitman 1 et le « Purest Mode » est né. Toutes les informations disparaissent de l’écran sauf le réticule de visée. Il y a toujours le mode instinct mais il est très anecdotique car très peu utile. Mais si vous êtes dans ce mode-là, vous ne voudrez pas l’utiliser.
Ce serait intéressant de savoir si quelqu’un réussira à commencer le jeu en « Purest Mode » et le terminera. Personnellement, je ne pense pas que ça soit possible, mais nous verrons !
Neitsabes : Mais c’est théoriquement possible ?
Tore Blystad : Oui, c’est théoriquement possible. Mais nous savons que les fans sont de plus gros joueurs que nous ! Quand nous avons fait le Sniper Challenge, nous avons vu des scores dont nous ne savons même pas comment cela a pu être possible, dont un à 5 millions. L’auteur nous a envoyé une vidéo pour nous montrer, et on était « Mais comment a-t-il fait ?! ». Mais maintenant on est à 7 millions, c’est incroyable.
FFB777 : Quel âge à l’agent 47 ?
Tore Blystad : Et bien en fait je crois qu’il a eu 47 ans il y a quelques semaines (rires). C’est vrai ! Il est né en 1965 je crois… C’est marqué sur son code barre (NDLR : en réalité, il serait né le 09 mai 1964, d’après son code barre : 640509 – 040147). Si vous scannez le code-barre, vous obtiendrez peut être des choses étranges ! (rires). Mais nous voulons garder le mystère autour de ça, nous ne voulons pas savoir !
Les Gameuses : Comment avez-vous l’idée de tuer des bonnes-sœurs ?
Tore Blystad : Je crois que ça remonte à Hitman 2, où le directeur du jeu avait eu cette idée mais ça ne collait pas avec le jeu. Alors il a essayé de mettre ça à chaque fois qu’il dirigeait la création d’un autre jeu mais tout le monde lui disait « non » ! Et quand il nous en a parlé, on lui a répondu que ça pourrait correspondre à cet épisode car dans Absolution, chaque niveau, c’est une approche cinématographique qui est faite, et ça collait plutôt bien. Dans le trailer, un assassin de sa propre agence s’habille en none, pour le tuer, et il doit survivre. Dans cette vidéo, c’est joué très « action » mais vous pouvez faire ce niveau plus discrètement, bien sûr.
C’est d’ailleurs l’un des meilleurs niveaux du jeu pour ceux qui ont pu y jouer, parce qu’il y a quelque chose que je ne peux pas vous dire, mais c’est une spécificité du gameplay que vous ne trouverez uniquement dans ce niveau, et qui est très aimé ! On peut dire que le déguisement est quelque chose d’important dans Hitman !
Player One : Est-ce que c’était facile de mettre de magnifiques filles dans le jeu ?
Tore Blystad : Est-ce que c’était facile ? (rires) Tout est facile, quand on fait une proposition au producteur, il fait une tête pas possible à chaque fois ! C’est facile de s’imaginer des choses pour son jeu mais il faut ensuite voir comment l’intégrer, comment on fait etc. Du coup, chaque idée est intéressante, mais nous ne pouvons pas toutes les réaliser parce qu’elles ne correspondent pas à l’histoire ou qu’elles ne sont pas assez fun. Mais pour les nones, c’était tellement ridicule qu’on disait que ça ne fonctionnera jamais, et certains y croyait !
C’est aussi ce qui rend les jeux Hitman unique, c’est le risque pris dans les décisions. C’est extrême à plusieurs moments : faire des choses auxquelles vous ne vous attendiez pas vraiment dans un jeu, et on espère que les fans aimeront. Même s’ils n’aimeront peut-être pas le style de certaines choses, ils pourront au moins constater que le jeu essaie de faire quelque chose, de prendre des risques, de proposer, pour le rendre plus intéressant. Parce que nous voulons aller un peu au-delà des limites.
Player One : Y aura-t-il un nouvel Hitman ?
Tore Blystad : Oui, qui sait ?
Player One : Il est en préparation ?
Tore Blystad : Il y a toujours quelque chose en préparation. Mais ça, je ne peux pas vous en parler (rires).
Un grand merci à Tore Blystad pour sa grande gentillesse et sa disponibilité. Il a été très sympathique et cet interview est vraiment le point d’orgue de ma semaine de la PGW ! Merci également à Square Enix d’avoir organisé cette table-ronde !
Crédit photo : Gohanblog
« Ce serait intéressant de savoir si quelqu’un réussira à commencer le jeu en « Purest Mode » et le terminera. Personnellement, je ne pense pas que ça soit possible, mais nous verrons ! »
HAHAHA! C’est mon seul et unique objectif. Le commencer et le finir en mode puriste directement.
T’enverras un mail à Tore Blystad pour lui dire alors :p (Je vais aussi le tenter comme ça)
Ouai mais toi tu vas le faire pour ta seconde partie… Moi non, j’attaque direct. J’ai attendu 6 ans l’arrivée de ce jeu donc je peux très largement mettre une 40ène d’heure pour le terminer en Puriste. 😛
Que nenni, je le tente dès le premier cycle de jeu 🙂